Vendredi 15 mars – Dimanche 31 mars
Sleeper
Alexandra Dementieva
2014 – 2024 / Russie / Belgique
Chapelle de l’Ancien Hôpital Général
Horaires d’ouverture :
Du mardi au samedi de 13h à 19h
Le dimanche de 14h à 18h
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Vendredi 15 mars – Dimanche 31 mars
Horaires d’ouverture :
Du mardi au samedi de 13h à 19h
Le dimanche de 14h à 18h
Le projet Sleeper est le résultat d’un accident. L’artiste regardait le film Sleeper de Woody Allen quand son ordinateur est tombé en panne, compressant le film en 194 images, dont elle a réalisé 100 tapisseries.
Ce film parle de l’avenir. Contrairement à son travail, ce film est anti-utopique. Elle a donc imaginé un groupe d’archéologues du futur qui ont découvert ces tapisseries à l’ère post-scientifique sur notre planète Terre, et qui essaient de les définir. Elles appartiennent à une structure sociale non identifiée. Le ton du récit étant plutôt calme, on peut deviner qu’il s’agit d’une société alternative ayant une attitude différente vis-à-vis du monde. L’idée derrière l’audio est très simple : les archéologues essaient de figurer ce que sont les tapisseries et concluent qu’il s’agit d’un système d’archivage de médias numériques, tels que les films, par exemple. Ensuite, ils trouvent des journaux et d’autres objets, pièce par pièce, tissant peu à peu une histoire sur les différentes manières d’archiver les médias.
Originaire de Russie, Alexandra Dementieva vit et travaille en Belgique. L’idée de l’interaction entre le spectateur et une œuvre d’art, médiatisée par des méthodes de visualisation technologiquement progressives, est au cœur de son travail. Dans ses installations, elle utilise diverses formes d’art sur un pied d’égalité : la danse, la musique, le cinéma et la performance.
À la manière d’un explorateur, elle soulève des questions liées à la psychologie sociale et aux théories de la perception, en proposant des solutions par des moyens artistiques contemporains. Ses installations se concentrent sur le rôle du spectateur et son interaction avec une œuvre d’art et proposent des moyens de provoquer l’implication du spectateur, permettant ainsi de révéler les mécanismes cachés du comportement humain.
Son processus de recherche se déroule ici et maintenant, dans un présent de plus en plus technologisé, et il est profondément ancré dans le contexte culturel.
Crédits :
Alexandra DEMENTIEVA (Russie / Belgique)
Installation interactive, tapisserie/réalité augmentée, 2014-2024
Propos recueillis par Fanny Bauguil, professeure relais à VIDEOFORMES
L’installation “SLEEPER” est une exploration entre le cinéma, la technologie et l’art visuel. L’élément central de l’installation est une série de tapisseries, chacune mesurant 66×86 cm, disposées le long de tout le périmètre de l’espace. Ces tapisseries servent de forme unique de récit visuel, s’inspirant d’images fixes tirées du film de Woody Allen “Sleeper” (1973).
Les tapisseries, semblables à une galerie d’images, présentent une séquence d’images fixes du film. Cependant, les images ne sont pas de simples reproductions ; elles ont subi un processus de distorsion non-intentionnelle ou de “glitching”. Cette transformation porte les scènes familières du film au-delà de la reconnaissance, ressemblant au résultat d’une panne informatique pendant le visionnage du film. Malgré l’abstraction, l’ordre narratif du film est méticuleusement préservé, offrant un voyage visuel à travers l’intrigue.
Le choix de la tapisserie comme médium est symbolique, connectant le savoir-faire historique avec la technologie contemporaine. La taille des tapisseries correspond aux dimensions moyennes d’une peinture sur chevalet de cabinet et s’aligne sur les ratios d’écran des télévisions traditionnelles. Ce choix délibéré ajoute des couches de sens à l’œuvre, faisant le lien entre le passé et le présent, l’analogique et le numérique.
L’installation va au-delà de l’expérience visuelle en incorporant un élément interactif. Les spectateurs peuvent utiliser les plates-formes iOS ou Android pour se connecter à l’œuvre et regarder un movie ainsi qu’une narration expliquant l’histoire de chaque tapisserie. Cette interactivité enrichit l’engagement du spectateur, offrant une rencontre immersive avec l’interprétation artistique d’éléments cinématographiques.
Les images racontaient la dystopie de “Sleeper”, mais à leur manière, où certaines parties étaient perdues et d’autres attiraient l’attention.
Symboliquement, c’est intéressant. Le début du 20ème siècle était très axé sur l’avenir, où ce futur était présenté comme quelque chose qui offrirait de nombreuses possibilités. Maintenant, au début du XXIe siècle, la conscience moderne se concentre davantage sur la protection contre toutes sortes de problèmes qui pourraient survenir à l’avenir. La tendance générale est maintenant de voir comment nous pouvons garder et conserver ce que nous avons.
L’installation a été montrée à plusieurs reprises depuis 2017
Parfois, le processus de création artistique est influencé par un événement insignifiant.
Dans mon cas, c’était d’un crash de mon ordinateur alors que je regardais mon film de science- fiction préféré “Sleeper” de Woody Allen. Seulement 194 images (cadres) avaient survécu à l’accident. Ils tous ont été complètement transformés – “glitchés” – pratiquement méconnaissables. Cependant l’ordre du développement narratif est rigoureusement préservé – les images fixes sont disposées dans le même orde d’apparition dans le film.
L’idée vint d’elle-même – il fallait tisser chaque image ayant survécu, pour faire l’empreinte de sa beauté d’artefact numérique non prémédité, unique et puissant afin de le préserver pour l’éternité.
Il y a deux arguments principaux pour cette décision: le tissage de tapisseries est l’une des méthodes les plus connues pour réaliser des images et le processus de tissage a été à la base de l’invention de l’ordinateur.
Lorsque j’ai produis une cinquantaine de tapisseries et que je les ai disposées sur un mur, j’ai réalisé qu’il me manquait quelque chose. Et finalement j’ai écrit un texte où je raconte la découverte de ma tapisserie par des descendants humains (????) , qui effectuent des fouilles archéologiques sur le territoire du Bruxelles contemporain 2000 ans plus tard.
Leur recherche est scientifique et ils analysent et comparent tous les matériaux trouvés. Enfin, leur conclusion est que la tapisserie est un moyen d’archiver le film et la vidéo des 20-21ème siècles et le film qui a été mis au jour (trouvé ? révélé?) est SLEEPER de Woody Allen.
Pour ajouter cette histoire à l’exposition d’une tapisserie, j’utilise la réalité augmentée. Chaque morceau de tapisserie est une image qui déclenche une courte vidéo qui fait partie des recherches documentées des archéologues du futur.
J’ai été fasciné par le travail de Dan Graham, Bruce Nauman, Jeffrey Shaw, Fred Forest, Stelarc, Bill Viola, Gary Hill et bien d’autres.
Une autre source d’inspiration pour moi est le cinéma, le travail de réalisateurs comme David Lynch, David Cronenberg, Jean-Luc Godard, Bernardo Bertolucci, Toshio Matsumoto, Hiroshi Teshigahara… et particulièrement les films de science-fiction. Je continue d’aller régulièrement au cinéma et je regarde au moins 3 à 4 films sur un écran chaque semaine.
C’est un processus de production de très longue durée pour cette œuvre. Cela a commencé en 2000 et cela continue jusqu’à aujourd’hui. Le principal défi est de tisser 194 tapisseries, ce que je fais encore.
https://www.youtube.com/watch?v=CvEak68ayB0
https://www.eye-to-eye.online/alexandra-dementieva/
Cinéma, interaction, RA, archéologie
L’idée d’interaction entre le spectateur et une œuvre d’art, médiée par des méthodes de visualisation technologiquement progressistes, est au cœur de mon travail. Dans mes installations, j’utilise sur un pied d’égalité diverses formes d’art : la danse, la musique, le cinéma et la performance. Tel un explorateur, je soulève des questions liées à la psychologie sociale et aux théories de la perception en suggérant des solutions par des moyens artistiques contemporains, c’est-à-dire en prenant une position subjective derrière une caméra. Mes installations se concentrent sur le rôle du spectateur et son interaction avec une œuvre d’art et proposent des moyens de provoquer l’implication du spectateur, permettant ainsi de révéler les mécanismes cachés du comportement humain.
Mon processus de recherche se déroule ici et maintenant, dans un présent de plus en plus technologisé, il est profondément enraciné dans le contexte culturel. La photographie et les autres médias numériques enregistrent toujours une trace qui indique la présence antérieure de quelque chose. Atteignant d’un certain événement, la trace consacre en même temps la technologie utilisée, agissant ainsi comme témoin de la culture contemporaine. De la même manière, j’ai tendance à réfléchir aux modèles comportementaux et aux mécanismes culturels caractéristiques de la société contemporaine.
Depuis très longtemps.
Non